Bien avant l’arrivée des religions musulmanes et chrétiennes, les Yorubas avait un système spirituel et religieux bien établi. Cette religion traditionnelle qui avait été supplantée par les religions importées connaît aujourd’hui un vif regain d’intérêt. Cependant, elle est l’objet de beaucoup de confusions…
« Religion yorouba », voilà le nom donné par des étrangers à
l’ensemble des croyances et pratiques spirituelles et cultuelles des
descendants d’Oduduwa. Déjà là, on peut soulever une objection parce que ladite
religion n’en est pas une au sens strict occidental. Il serait plus acceptable
de parler de spiritualité yorouba mais bon nous n’allons pas pinailler
là-dessus.
Il faut réaliser que si les autres ont institué l’expression « religion
yorouba », c’est parce que les yoroubas eux-mêmes n’ont pas donné de nom
particulier à ladite religion. Et cela c’est bien parce que leurs croyances et
pratiques spirituelles ne sont pas un ensemble optionnel de dogmes mais plutôt
des éléments tellement intégrés à tous les aspects de leur vie qu’on n’a pas à
leur donner un nom du genre en « -isme ».
A présent, avançons vers une meilleure présentation de la « religion
yorouba » en abordant ses grandes caractéristiques.
Une puissance créatrice originelle (unique)
Les yoroubas croient en une puissance omnipotente qui est au début de tout
et qui a créé l’univers. On l’appelle Olodùmarè ou Ọlọrun
(maître/propriétaire de l’au-delà) ou encore Olofin
(maître/propriétaire de la loi). Olodumare n’a ni père ni mère ; n’a pas
de genre (ni masculin ni féminin) ; n’est pas limité dans l’espace. On
pourrait dire que Olodumare ou Olorun est ce que d’autres religions appellent
Dieu. D’ailleurs, les chrétiens et musulmans d’expression yorouba utilisent ces
noms pour désigner Jehovah ou Allah. Mais la grande différence est que dans le
système spirituel yorouba, Olodumare ne requiert pas une adoration directe. Il
n’y a pas de temple, pas d’autel, ni d’icône ou de sacrifice qui lui soit
adressé. Ceux qui comprendront vraiment cet aspect là percevront la profondeur
de la spiritualité yorouba. Pour terminer à propos d’Olodumare, précisons
qu’après avoir créé l’univers, Il a laissé le soin de la création de la terre
et des créatures qui la peuplent à des entités créées par Lui.
Des entités intermédiaires aux pouvoirs divins
Les Irunmole ou Orishas sont des entités créées par Olodumare qui leur a
assigné des tâches spécifiques. Ils servent souvent de lien entre le monde
physique et le monde spirituel et ont donc des capacités que n’ont pas les
simples humains. Les pouvoirs leur permettent de guider et d’aider les hommes.
C’est pour cela que ces derniers les vénèrent. Ils leur adressent des doléances
et leur offrent des sacrifices. Ils leur consacrent des temples, des effigies.
C’est vraisemblablement pour ces actes que les observateurs extérieurs disent que
les orishas sont les dieux yoroubas. Mais c’est un raccourci que dénoncent
aujourd’hui les adeptes des croyances ancestrales yoroubas qui tiennent à ceux
que ne soient pas perpétués des amalgames : les orishas ne sont pas des
dieux en ce sens qu’ils ne sont pas les égaux de Olodumare qui est leur
créateurs. Les orishas sont des orishas (un mot qui n’a pas d’équivalent dans
les langues occidentales) ; des créatures aux pouvoirs extraordinaires qui
aident les hommes.
Les orishas ont été créés par Olodumare avant la création de la Terre mais
ils viennent faire l’expérience de la vie physique en venant mener une
expérience de vie humaine sur Terre pour ensuite retourner dans le monde
spirituel. Il en existe des centaines. Certains d’entre eux sont de sexe masculin,
d’autres sont de sexe féminin. Ils ont divers tempéraments et caractères. Les
orishas calmes, compatissants et généreux sont appelés orisha tutu et sont
représentés par la couleur blanche alors que les orishas nerveux, agressifs et
exigeants sont appelés orisha gbigbona et représentés par la couleur rouge et
noire.
Les orishas communiquent aux hommes à travers la transe, le rêve mais leur
canal privilégié est la divination.
Un système divinatoire
Ifa est une technique divinatoire qui permet aux hommes de communiquer avec
le monde invisible. C’est un art qui repose sur l’utilisation de noix ou de
cauris qui sont jetés. Les différentes façons dont ces noix ou cauris tombent
par terre ou dans les mains du praticien forment un certain nombre de probabilités
schématisées par des combinaisons de traits uniques et de traits doubles. Les
différentes combinaisons possibles seraient au nombre de 256 qui correspondent
à 256 poèmes ou chants que les praticiens du Ifa apprennent et se transmettent.
Ces poèmes ou chants sont des mythes et proverbes dont l’interprétation
constitue le message transmis par Ifa. L’initié du Ifa qui a fini sa formation
est appelé Babalawo (ou Iyanifa quand c’est une femme). L’orisha qui est le
patron de cette technique divinatoire est Orunmila qui par métonymie est appelé
Ifa. L’autre orisha qui est très impliqué dans Ifa est Eshu (qui agit en tant
que messager). Il faut donc garder à l’esprit que Ifa est une technique et non
un orisha ou encore moins une religion comme certains le disent abusivement.
…
La spiritualité yorouba est un vaste ensemble de concepts qui est mal connu
du monde extérieur d’abord à cause des préjugés véhiculés sur elle mais aussi à
cause du fait que pendant longtemps elle n’a pas bénéficié de supports écrits.
Cette spiritualité a voyagé vers les Amériques à l’occasion de la traite
négrière et évolué en d’autres croyances (Santeria, Candomblé…). Même si ces
croyances sont issues de la spiritualité yorouba, elles ne lui ressemblent plus
exactement et il est important de ne pas les confondre avec ce qui se pratique
en Afrique.