Les peuples dits Yoruba

Beaucoup de personnes pensent que les Yorubas (Yoroubas) sont une ethnie du Nigeria et que tous ceux qui se disent Yoruba – quel que soit le lieu où ils se trouvent dans le monde – sont des citoyens ou des descendants de citoyens nigérians. Cela n’est pas tout à fait correct…

Une ethnie du Nigeria, du Bénin et du Togo

Les yoroubas (ou yorubas) sont un grand groupe ethnique d’Afrique de l’ouest. Leur territoire autochtone s’étend à la fois sur des régions de la république fédérale du Nigeria, de la république du Bénin et de la république du Togo.

Ce territoire qu’on appelle Yorubaland ou pays yorouba est situé:

  • Au Nigeria ; dans les états de Lagos, d’Ogun, d’Oyo, d’Osun, de Kwara, d’Ekiti, d’Ondo…
  • Au Bénin ; dans les départements de l’Ouémé et du Plateau ainsi que des localités du Zou et des Collines…
  • Au Togo ; dans les localités d’Atakpame, Anié, Morita, Ofe, Kambole.

Ainsi, contrairement à ce que peuvent dire des étrangers mal informés, les Yoroubas ne sont pas une ethnie, juste du Nigeria. On les retrouve aussi au Bénin et au Togo. Et pas qu’en tant qu’immigrants car ces populations yoroubas étaient installées dans la zone mentionnée ci-dessus bien avant l’arrivée des européens qui vont les coloniser et contribuer à les diviser sur trois pays.

Un groupe large et varié

Le groupe ethnique dit yorouba est constitué de plusieurs sous-groupes. Parmi ces sous-groupes, certains n’acceptent même pas qu’on les appelle des Yoroubas. Le terme « yorouba/yoruba » n’a aucune signification particulière dans les dialectes de ce groupe ethnique. En fait, c’est une appellation qui leur a été attribuée par les Haoussas et qui a été reprise plus tard par les Européens. En plus, elle servait à désigner l’une des tribus yoroubas qu’était la tribu Oyo à une époque où celle-ci était la plus puissante. Ce n’est que plus tard qu’on regroupera sous ce terme toutes les tribus sœurs de la tribu d’Oyo.

L’appellation par laquelle tous les membres du groupe se reconnaissent est « les enfants d’Odudua » ou encore « les enfants de Kaaro-Ojiiré ». Odudua étant le fondateur de la première cité-Etat (Ile-Ife) d’où découlent toutes les tribus dites yoroubas. Et « Kaaro-Ojiiré » étant une expression qui s’utilise dans tous les dialectes du groupe pour se saluer. Ainsi, nous rassemblons dans le grand groupe ethnique yorouba, tous les sous-groupes qui se réclament de l’ancêtre Odudua et qui pour saluer le matin utilisent l’expression « E kaaro ».

Ceci dit, quels sont tous les sous-groupes qui se réclament d’Odudua ?

Leur liste ou classification peut varier légèrement selon que l’on se place du point de vue de l’histoire orale des yoroubas même ou selon le point des vue des ethnologues d’aujourd’hui. Selon l’ethnologie moderne, les différents sous-groupes yoroubas sont les suivants :

  • Ana-Ife {Atakpame, république du Togo}
  • Anago-Ketu {Kétou, république du Bénin}
  • Anago-Kura {Patargo, département de la Donga en république du Bénin}
  • Anago-Shabe {Savè, république du Bénin}
  • Akoko {états d’Ondo et d’Edo, république fédérale du Nigeria}
  • Awori {états d’Ogun et de Lagos, république fédérale du Nigeria}
  • Egba {état d’Ogun, république fédérale du Nigeria}
  • Ekiti {état d’Ekiti, république fédérale du Nigeria}
  • Ibarapa {sud-ouest de l’état d’Oyo, république fédérale du Nigeria}
  • Ibolo {Offa, état de Kwara, république fédérale du Nigeria}
  • Idaasha {Dassa et Glazoué, département des Collines, république du Bénin}
  • Igbomina {états d’Osun et de Kwara, république fédérale du Nigeria}
  • Ife {Ile-Ife, état d’Osun, république fédérale du Nigeria}
  • Ijebu {états d’Ogun et de Lagos, république fédérale du Nigeria}
  • Ijesha {Ilesha et alentours, état d’Osun, république fédérale du Nigeria}
  • Ikale {état d’Ondo, république fédérale du Nigeria}
  • Ilaje {état d’Ondo, république fédérale du Nigeria}
  • Isha/Ica {Bantè et alentours, république du Bénin}
  • Mokole {Kandi, république du Bénin}
  • Ohori/Ije {Pobè, république du Bénin & Ipokia, Imeko et Yewa north, état d’Ogun, Nigeria}
  • Okun {état de Kogi, Nigeria}
  • Olukumi {état de Delta, Nigeria}
  • Ondo {état d’Ondo, république fédérale du Nigeria}
  • Onko (Oke Ogun) {état d’Ogun, république fédérale du Nigeria}
  • Owo {état d’Ondo, république fédérale du Nigeria}
  • Oworo {état d’Ondo, république fédérale du Nigeria}
  • Owu {confluence Niger-Benue, république fédérale du Nigeria}
  • Oyo {état d’Oyo, république fédérale du Nigeria}
  • Remo {Shagamu, état d’Ogun, république fédérale du Nigeria}
  • Yewa (Egbado) {état d’Ogun, république fédérale du Nigeria}

En république du Bénin, l’abus de langage que nous avons évoqué plus haut a conduit la classification ethnographique acceptée par l’administration publique à appeler « yorouba » les descendants d’Odudua de Porto-Novo. Ce qui crée une confusion vis-à-vis d’autres ethnies du pays qui font partie du grand groupe yorouba. Pour être juste envers tout le monde, il aurait été plus correct de les appeler Oyo ou Ikoyi. Nous comprendrons mieux cela en étudiant l’histoire de Porto-Novo.

Des tribus liées par un ancêtre, une spiritualité et une langue

Au plan spirituel, toutes les tribus Yoroubas pratiquaient ce qu’on appelle « la religion yorouba » ou encore « le culte des orishas », une religion qui aurait été codifiée par l’ancêtre Odudua. Cette religion a largement inspiré la religion Vodoun du royaume Danhome voisin. Par ailleurs la religion yorouba a été transportée vers l’Amérique du sud au cours de la traite négrière et elle y a gardé des traces jusqu’à nos jours.  Mais ce culte n’est pratiqué aujourd’hui que par une minorité car, entre temps, certains yoroubas sont devenus musulmans dès le 18è siècle par les contacts avec les Haoussas-Foulanis et d’autres sont devenus chrétiens plus tard avec l’arrivée des européens.

Au plan linguistique, les yoroubas parlent dans leurs régions respectives des dialectes différents mais qui comportent des similarités. Un yorouba dit standard s’est imposé pour l’alphabétisation et est utilisé dans les livres, les médias, le cinéma, etc. Ce yorouba standard est basé en grande partie sur le dialecte d’Oyo et est compréhensible par les locuteurs de tout dialecte yorouba.

Un peuple répandu à travers le monde entier

Au plan démographique, le groupe yorouba autochtone forme une population d’environ 40 millions d’habitants dont la majorité se trouve au Nigeria et le reste au Bénin et au Togo. Mais les yoroubas émigrent beaucoup et on retrouve des communautés importantes en dehors de leur zone historique: en Côte d’Ivoire, au Niger, au Ghana, au Burkina Faso mais aussi en Europe et en Amérique.

En Amérique du sud (notamment au Brésil), il existe une trace importante de la culture yorouba. En effet, à l’époque de la traite négrière, beaucoup d’esclaves déportés vers cette région des Amériques provenaient du pays yorouba. Ceux-ci y ont apporté leur religion qui a subsisté jusqu’à nos jours. Les descendants d’esclaves qui pratiquent aujourd’hui cette religion parlent le yorouba au cours des offices religieux même si ils n’en comprennent pas la signification.

Parmi les diverses ethnies d’Afrique, la culture yorouba peut se targuer d’être l’une des plus représentées de par le nombre mais aussi par une certaine reconnaissance dans la culture populaire africaine et mondiale. En effet, à travers la mode, la musique, le cinéma, la cuisine, la culture yorouba est connue un peu partout. Mais cette reconnaissance constitue un leurre en ce qui concerne la vraie sauvegarde de cette culture. Aujourd’hui, les yoroubas apprécient bien la musique de Simi ou d’Adekunle Gold; ils mangent du Amala avec du Efo; ils portent souvent le agbada ou nouent le gele mais dans les faits, peu sont capables de parler leur langue ou de l’enseigner à leurs enfants. Et encore moins sont capables de raconter leur histoire ou d’expliquer une pratique coutumière. A ce rythme, dans un siècle, il ne subsistera qu’une croûte culturelle dénaturée parce qu’on ne pourra plus faire le lien avec le passé. D’où l’importance d’utiliser les moyens de communication moderne pour apprendre et propager cet héritage culturel.


Publié

dans

, , , ,

par

Étiquettes :